Le côté professionnel du Festival international de la chanson de Granby : bien plus qu’un concours de chanson

Le Festival international de la chanson de Granby (FICG) s’est terminé il y a déjà une semaine, et il est temps de se pencher sur un aspect parfois méconnu de cet événement : son volet professionnel.

Cette année encore, le festival, mené par la nouvelle directrice-générale Josée Mailhot, a fait preuve d’ambition en présentant pas moins de 93 artistes lors de 23 événements, répartis sur 9 lieux, et ce, sur une période nouvellement abrégée de 10 jours, soit du 10 au 20 août 2023.

Cependant, ce que plusieurs semblent ignorer, c’est que le FICG va bien au-delà d’un simple concours de chanson et d’une série de spectacles. En réalité, le festival intègre un volet professionnel crucial qui bénéficie tant aux participants du concours qu’aux artistes invités, ainsi qu’à l’industrie musicale francophone dans son ensemble.

Plus de 150 professionnels de la musique venant de l’ensemble du monde francophone, y compris des agents, des directeurs de programmation et des acteurs clés de l’industrie, se sont rendus à Granby pour le festival. Ces experts n’ont pas seulement assisté aux différents événements, mais ont également participé à diverses vitrines et activités de réseautage, tout en ayant le dernier mot sur le choix du gagnant du Grand Concours Hydro-Québec.

Cette configuration a offert aux professionnels une chance inégalée de s’immerger pleinement dans l’expérience du festival. Ils ont ainsi pu découvrir un éventail impressionnant d’artistes de la relève, d’artistes émergents, ainsi que des têtes d’affiche établies du monde francophone. Ces talents étaient répartis dans une multitude de lieux, intérieurs comme extérieurs, parcourant une vaste diversité de styles musicaux.

« Ce qui est nouveau [cette année], c’est que les demi-finales se passent en même temps que le reste. Normalement, c’était une semaine séparée. De pouvoir mettre les finales en même temps que le volet pro, ça permet aux professionnels de pouvoir aussi assister aux demi-finales. On veut centraliser un peu l’événement, autant dans les dates que dans l’espace physique pour créer un momentum dans le centre-ville et que tout le monde puisse circuler à pied et aller d’un lieu à l’autre. » M’a expliqué Marianne St-Pierre, chargée de projets au FICG et responsable des activités professionnelles du festival.

Les demi-finalistes du Grand Concours, eux, ont reçu bien plus qu’une chance de se produire et de remporter le Trophée Fabienne. En effet, tous les 24 demi-finalistes bénéficient d’une formation approfondie et d’un accompagnement tout au long de leur participation au festival, allant de la planification de carrière à la mise en scène. Naturellement, avoir l’opportunité de se présenter devant 150 des représentants les plus influents de l’industrie musicale francophone est une chance inestimable pour ces artistes de la relève. De plus, les douzaines de prix et bourses d’une valeur de plus de 100 000$ ont garanti que de nombreux participants ont bénéficié d’un véritable tremplin pour leur carrière.

De nombreux concurrents et artistes que nous avons interrogés ont souligné que le FICG leur offrait une occasion précieuse de propulser leur carrière ou d’atteindre un niveau supérieur de succès, en leur ouvrant une approche plus professionnelle et axée sur l’industrie pour leur développement de carrière.

Pour les membres de FRIANDISE, un groupe de rock amusant et plein d’énergie qui a apporté un sourire contagieux au Grand Concours, les leçons apprises, la visibilité et les contacts établis lors du festival ont aidé à propulser leur nouveau projet. J’ai demandé aux membres du groupe, qui jouent également ensemble dans un groupe indie anglophone nommé Sunday Crisp, de partager leurs réflexions sur le rôle formateur que le festival et son encadrement approfondi pourraient avoir sur leur nouveau projet francophone. Voici ce qu’Étienne Archambault, chanteur et bassiste du groupe, avait à dire :

« Je confirme que le FICG nous supporte très bien. Avec Sunday Crisp, c’est un band, c’est fait un peu à l’arrache. On n’avait aucune expérience de scène et surtout du côté business. Une fois rendu ici au FICG et qu’on rencontre des professionnels, qu’on a des conférences avec toute sorte de monde dans l’industrie, ça nous montre justement qu’avec Sunday Crisp la plupart des trucs qu’on faisait, on ne les faisait pas dans l’ordre des choses. Ça nous montre à quel point le côté business de l’industrie est important et que ce n’est pas à prendre à la légère. »

Les Vitrines musicales Solotech : une scène décisive pour les talents émergents

Cette année, 16 artistes francophones du Canada et de l’Europe ont été invités pour présenter leur talent devant ces représentants de l’industrie lors des Vitrines musicales Solotech – une série de vitrines offertes en journée au Café du CÉGEP de Granby. C’était une opportunité incroyable pour ces artistes émergents de nouer des relations significatives et de propulser leur carrière. Les vitrines, à l’exception d’un événement privé avec l’autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne Céleste Lévis, ont chacune présenté 5 artistes pour des sets de 25 minutes devant un public reconnaissant, composé principalement de professionnels de l’industrie.

Selon St-Pierre, l’objectif des vitrines Solotech serait « de permettre aux diffuseurs d’ici de découvrir qu’est-ce qui s’en vient pour leur future programmation. […] Ça peut être des nouveaux artistes qu’ils n’ont pas eu la chance encore d’entendre ou de voir en performance en direct. Ou sinon ce sont des artistes déjà établis, un peu comme VioleTT Pi et Thierry Larose qui sont venus présenter leurs nouveaux albums, ou des artistes moins connus comme Roselle, Narcisse ou Alphonse Bisaillon. C’est de venir magasiner et de voir ce qu’ils ont à offrir, et qu’est-ce qui pourrait fonctionner dans leur salle. Puis en même temps, vu qu’il y a un rassemblement professionnel de l’industrie qui vient écouter ça, il y a des rencontres de réseautage à travers les diffuseurs, les producteurs, les bookeurs qui se créent. Ce sont des liens, des échanges et des projets qui se montent et se créent à travers tout ça. »

Alphonse Bisaillon, un des artistes émergents présenté lors des Vitrines musicales Solotech, m’a confié, suite à sa prestation, que sa participation lui a offert une opportunité de faire des liens et de gagner en perspective sur son progrès. « Le fait d’avoir joué le même jour que VioleTT Pi, Thierry Larose et L’Isle, qui sont tous des projets qui sont très cool. Ce que je trouve, c’est que ça témoigne d’un certain progrès dans mon parcours qui est vraiment le fun et puis je me sens mieux encadré, mieux entouré, je rencontre plus de gens que j’admire les projets donc j’apprends plus de choses. Donc je suis très content d’être là. Ce qui est le plus fun, c’est que tu rencontres des gens. » m’a-t-il affirmé.

Pour Leïa Huissaud, autrice-compositrice-interprète française, l’opportunité de voyager au Canada pour la première fois jumelée au prospect d’établir des liens dans la région ont fait de son invitation aux vitrines un grand plaisir. « Déjà qu’on nous invite, c’était plus qu’un honneur et puis traverser l’Atlantique c’était fou ! Forcément on vient en espérant pouvoir revenir et puis découvrir ce qui se passe. C’est incroyable d’avoir l’opportunité de faire ce voyage. Il n’y a pas de grande attente, juste du plaisir. Ça nous donne beaucoup d’élan ! » m’a-t-elle expliqué lors de notre entrevue à la suite de sa performance aux vitrines.

Avec un tel engagement envers l’industrie musicale francophone, une portée internationale significative et une coordination impeccable de tous ces événements et activités parallèles, il n’est pas surprenant que le FICG ait célébré son 55e anniversaire et demeure un pilier incontournable de la scène musicale francophone.

Ce sentiment est partagé par la talentueuse Ariane Brunet, ancienne professeure à l’École nationale de la chanson de Granby, qui se présentait sous son nouveau nom de scène, L’Isle, aux vitrines cette année : « Je pense qu’ils ont prouvé leur importance, déjà, l’école c’est la seule institution qui donne une formation comme auteur-compositeur à travers toute la francophonie. Et puis le festival ça rejoint du monde de partout dans le monde de la francophonie. »

Le Festival international de la chanson de Granby n’est pas qu’un simple événement musical ; c’est une plateforme dynamique qui fusionne passion, talent et professionnalisme. Il offre une scène aux artistes émergents, tout en leur donnant l’opportunité de se connecter avec des professionnels de l’industrie, d’apprendre et de grandir. Les témoignages des artistes et des professionnels de l’industrie soulignent l’impact profond et durable du FICG sur la carrière des artistes et sur l’industrie musicale francophone.

En célébrant sa 55e année, le FICG ne montre pas seulement sa longévité, mais aussi sa pertinence et son engagement continu envers la promotion et le soutien de la musique francophone. À travers ses vitrines, ses formations et ses opportunités de réseautage, le FICG continue d’être un phare pour les artistes, les professionnels de l’industrie et les amateurs de musique, illuminant la voie pour la prochaine génération de talents francophones.

Image à la une : Thierry Larose aux Vitrines musicales Solotech, le 16 août, Granby, Québec.

Photos: Sébastien Perron